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Quelles valeurs pour quel travail?

Stéphane Hugon était notre invité dans l'émission ENGAGE Calls, mardi 21 juillet 2020.


Sociologue de l'imaginaire et co-fondateur d’Eranos, il nous parle de l’évolution de notre rapport au travail. Il analyse les transformations sociétales et culturelles à l’œuvre, le deuil de certains idéaux et les nouvelles valeurs qui le réinventent.


Au programme :

- L'article l Une interview de notre invitée

- Le récap' l Le replay de son intervention accompagné d'une synthèse

- Pour aller plus loin... l Des ressources pour approfondir les sujets abordés



Tout d’abord, c’est quoi un sociologue de l’imaginaire ?

Pendant très longtemps en Occident, on faisait une différence entre le réel et l’imaginaire. L’avantage de toutes les sciences humaines, c’est de considérer qu’il y a une réalité à partir du moment où il y a une interaction sociale. Un phénomène social c’est à la fois la co-construction d’une partie tangible et d’une partie que je projette dessus. La réalité se complète donc d’une part qui est totalement imaginaire. Si l’imaginaire nous permet d’accéder à la réalité, cela veut dire qu’on peut classer les expériences sociales en fonction de l’imaginaire des personnes. Et avoir une cartographie des imaginaires d’un public, ça nous permet de voir et d’anticiper certains modes de compréhension, certains modes de consommation, etc.


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Les imaginaires se transforment - Stéphane Hugon



Qu’est-ce que la sociologie de l’imaginaire ?

La culture occidentale oppose souvent le réel et l’imaginaire. Pendant très longtemps, travailler sur l’imaginaire était considéré comme une prise de distance par rapport au réel. Mais il n’en est rien ! Car l’imaginaire c’est un ensemble d’images, de mythes, de récits et de représentations collectives sur la base de la perception d’un événement. Les gens se ressemblent par le fait qu’ils comprennent la même chose c’est pour cela que l’on peut en faire une sociologie. La sociologie de l’imaginaire est très pragmatique, c’est la recherche d’une efficacité sociale, c’est une manière d’embarquer un public et de différencier les réactions des individus face à telle idée ou produit.

Depuis les années 2000, on observe en France une hétérogénéité des discours et donc une hétérogénéité des manières de consommer, des manières de travailler ou encore des manières de se représenter dans l’institution.


Quel regard portez-vous sur la réaction des citoyen.ne.s pour l’instant ?

La situation sanitaire actuelle apparaît comme la cristallisation des crises de ces dernières années. On observe quelque chose de très nouveau dans l’imaginaire occidental : un retour à la proximité après des dynamiques très fortes d’individualisation du service. On redécouvre la boucle locale, l’économie du partage, le DIY, les solidarités rurales et de quartier. C’est une crise du lien social, une reconfiguration de l’expérience relationnelle notamment dans le monde du travail.


Quelles sont les valeurs qui sont en train d'apparaître dans notre société ?

Il y a une espèce de deuil qui n’est pas loin d’être une frustration sur l’insouciance. On doute de l’avenir, tel qu’il arrive il est de moins en moins radieux). Toutes les dynamiques d'après-guerre essayaient de se projeter dans l’avenir en s’appuyant sur une culture judéo-chrétienne qui est fondée sur l’après, sur le temps long, jusqu’à condamner l’expérience, le corps, l’ici et maintenant. Toute cette logique arrive à un point d’orgue et on doit intégrer ce qui est de l’ordre du tragique.


Notre rapport au travail est-il en train d’évoluer ?

Les gens ont découvert qu’ils étaient capables de produire de la valeur en dehors de la culture managériale. Cela entraîne une remise en question globale et une introspection sur la valeur du travail.

Le propre du travail n’est pas la compétence en soi mais la capacité d’interaction avec l’équipe. Alors comment maintenir cette capacité d’interagir les uns avec les autres ? Comment retrouver ces moments informels ? Comment créer du désir collectif ? de la synchronicité ? Comment faire collectif ?

La question de l’utilité de l’emploi et de l’entreprise va devenir absolument centrale. Parce que la culture managériale qui persiste appartient au passé. L’idéal de l’accomplissement de soi par le travail s’est beaucoup transformé en une génération.


En tant que directeur d’une organisation, comment répondre à cette quête de sens ?

La reconstruction et déconstruction de cet espace social du travail est variable en fonction des secteurs, des régions, des entreprises et des cultures d’entreprise. Il est important de la part des dirigeant.e.s de diagnostiquer ce qu’il s’est réellement passé et quelles sont ces nouvelles personnes qu’ils ont en face d’eux pour ainsi pouvoir différencier les situations et ajuster l’histoire collective qui va être racontée. Il faut également pouvoir identifier les espaces d’innovation qui ont émergé. L’autonomie acquise des collaborateur.rice.s fait bouger les rapports hiérarchiques et met au goût du jour certaines pratiques, vestiges d’un modèle tayloriste individuel.


Comment vous représentez-vous le futur du travail dans 10 ans ?

Le travail est avant tout une théâtralité. Le lieu cristallise la culture commune. De plus en plus, la dimension symbolique de l’espace de travail est en train de revenir. Cela nécessite une introspection de l’entreprise, de réveiller le mythe fondateur de l’entreprise, les gens ont besoin de se situer dans une narration globale. La valeur du travail se construit dans le regard de l’autre. Si nous ne matérialisons pas cette question du don/contre-don, nous n’y arriverons pas. Il est très important de pouvoir jouer la considération, la trace, l’impact, l’écoute et la résonance de chaque action au regard du collectif. Quand l’histoire collective ne nous donne pas de place, le monde est absurde.






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